Dans les dédales, des chemins de jeunesse, je parcours les raccourcis, les allées de traverses. L'idée de parcourir à nouveau cette traversée, ce petit bout dallée où je dépose certains émois.
Ma trajectoire se lit à travers ses feuillages. En Allemagne, pendant les premières années scolaires, je fus conduite en car couleur kaki, couleur camouflage, avec un bruit ronflant et nous devions tous composer avec les allées et venues des autres écoliers.
Pendant trois années, j'ai emprunté une allée différente, dans un autre quartier, dans notre rue, ma mère nous conduisait à l’école, ma sœur et moi, nous logions un mur de caserne à l'autre bout de ce tronçon, un mur de prison. Entre les deux entités, des maisons identiques blanches pour les gardiens de prison allemands et à l'autre versant des maisons à plusieurs étages grises pour les militaires de carrière. Sur l'autre coté de la rue face à ce mur, un pépiniériste allemand faisait commerce de plantes. Nous devions attendre à l'exigence militaire, qu'un milicien nous ouvre la porte à l'arrière pour introduire dans ce bout de verger. Un homme ouvrait la porte et nous attendions encore plus longtemps que le groupe soit complet. Ces quelques minutes de liberté intense, déconnectez du monde militaire, je les savourais avec délectation, des moments magiques où les essences des arbres se mêlaient à mes rêveries. Nous étions une dizaine en rang d'oignons deux par deux, nous traversons un petit chemin bien tracé, des pommiers, des poiriers, des marronniers agrémentaient ce parcours. Le chemin, objectivement pas long m'a imprégné au plus profond de mon être. Et puis nous arrivons dans une piste goudronnée où une maison de maître trônait sur la droite : le logement de chef de corps. Une belle bâtisse et le morceau de verdure emprunté à la sauvette organisée : son jardin. A gauche, l'austérité militaire et les routes logistiques prenaient le dessus. La poésie et la rêverie s'arrêtaient à cet endroit là, malgré toutes les tentatives pour qu'elles se prolongent encore.
Le déménagement de l'Allemagne vers la Belgique, le dernier mois de ma dernière année à l'école primaire, un autre choix de vie s'ouvrait à moi, la liberté de ce petit chemin libre d'accès, libre. Je vous le présente aujourd'hui.