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12 août 2008 2 12 /08 /août /2008 08:39




Ostende, le 13 avril 1950.




Cher Jacques,


Aujourd'hui, dernier jour, "Dernier" prend tout son sens, sa signification. Tous les gestes prendront une autre symbolique. Pour un temps, je pense à la séparation cruelles des endroits, des senteurs, des lieux que je perds. Certes, y penser matérialise encore mieux  l'instant où cette mer se roule devant moi. Savourer cet instant où le ciel couleur plus bleutée que la mer s'étend à l'infini. Dans deux heures tout au plus, je douterai que j'ai vécu tout ces moments là.

Ce matin, je perçois l'environnement avec une certaine acuité. Cette sensation ne reste pas en moi, elle s'échappe au Temps. Elle détient une profondeur, je la vis avec une intensité décuplée et je la décortique alors chaque élément. Cette atmosphère enveloppe, ce mouvement par rapport à une rigidité, cette magie des couleurs, des odeurs et des bruits. Je suspends ma vie, je n'ose pas bouger de peur de perdre cet ensemble. Un légère insensibilité du physique émeut cet équilibre instable.

En fait, l'eau, le ciel, la plage ne me plaisent pas aujourd'hui. La mer commence son chemin verdatre sur les pierres noires puis vire au sale gris et se perd dans un ciel barbouillé de nuages. Je me sens mal à l'aise, je voudrais partir.

Je suis partie, au bout, au fin fond de l'estacade, je suis allée, je regarde rentrer les bâteaux. Un oisillon sur le sable, lors de mon retour vers la plage, des gamins lançaient des pierres et coquillages afin qu'il retourne dans les vagues. L'oiseau exténué, s'est laissé prendre. Ils l'on porté là où le courant se déchaîne et de la digue, ils l'ont jeté dedans. La révolte me prend le corps mais est ce raisonnable d'intervenir.

Le train part, je suis dedans. La Flandre nous montre ses atouts. Maintenant, je vais te garder, secouez-vous jeune homme. Sors, va au cinéma, change toi les idées, je te conseille au passage un film de cow boys, rien de tel. Si ce style ne te plaît pas, écoute un peu de musique, du slow en passant à des instants que tu affectionnes. Cela n'est pas aisé à concrétiser mais avec un peu de patience, tu peux y arriver.

Au fond, facher la "Direction" peut paraître idiot, mais décharger son coeur et sa langue soulagent. Je te comprends, mais plus de bétise, se tenir permet d'être gagnant. J'arrive en gare.

Une lettre à épisodes, je signe chez Nini. Oublier son foulard dans le train, je me demande quelle tête survit sur mon épaule, ou plutôt qu'il a y t il dedans ?

A très très très bientôt....


Cherico

Lili


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10 août 2008 7 10 /08 /août /2008 12:16


Ostende, le 10 avril 1950.




Cher Jacques,

Une jeune fille se pavanait, ce matin, au soleil, avec sa robe à fleurs, sur la digue, au milieu d'un groupe de jeunes snobs, dorés. Elle prend ensuite la forme d'un ours avec quatre ou cinq épaisseurs de laine. A cet instant, elle lutte contre le vent et la pluie, elle essaye de tenir debout. Et ces jeunes gens, les mêmes du matin, si tu les avaient vus. Après cette matinée de char à voile, trempés, crottés, du sable dans leurs yeux. J'étais avec Guy Delhaye, il est venu me chercher ce matin, il loge au Zoute.


Pendant une heure, il s'est amusé à rouler dans ces mares immobilisées, tranquilles à marée basse. Il a fait des virages dans la mer, juste à l'endroit où les vagues finissent leurs carrières.

Chacun de mes arrêts sur le chemin vers la voiture, trempée, je marquais le sol par des étendues d'eau. Dans l'auto, nous avons du nous envelopper dans une couverture pour  ne pas trop mouiller les sièges.

Il est possible que demain, j'aille passer la journée au Zoute, si Mirielle ne vient pas. Avec elle, il n'a pas moyen de savoir son emploi du temps, ni obtenir un oui ou un non. C'est comparable à ton caractère, il n'est point aisé de savoir ce que tu désires. Ce n'est qu'après beaucoup d'attentions que l'on peut se rendre compte exactement et encore ce qu'il en est.

Je travaille un peu, j'ai amené des livres, mais dans une chambre d'hôtel, l'inspiration ne vient pas. Le vent dehors, s'amuserait d'éparpiller les feuilles de mes cours.

Il est probable que nous regagnions Liège, jeudi ou vendredi, mais avant, j'aimerai passer par Bruxelles, je recherche des reproductions de "Primitifs Flamands" et il me semble que je dois me rendre au cinquantenaire.

Après de longues recherches dans les magasins, j'ai enfin trouvé le portefeuille de mes rêves. Cet après-midi sera heureusement campé par cet achat, je brûle qu'il ne soit pas déjà parti. Une nouvelle carte d'identité va orner ce porte billet, cela a été très facile. Il paraît que dans deux mois, la Belgique établit un recensement, le format de carte d'identité fait peau neuve.


Cherico

Lili
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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 12:49





Liège, mercredi, 4 avril 1951




Cher Jacques,

Pauvre petit être, couché dans un petit lit blanc, les yeux au plafond, dans l'attente de la visite d'une mouche trépidante, tu la suis, tu la pourchasse du regard.

Comment as-tu pu attraper une pleurésie ? Une maladie assez grave, elle demande encore des soins après la convalescence.
J'aimerai beaucoup pour aller voir pour te taquiner, mais, il existe toujours un mais, mon père ne ma laissera pas, ne me donnera pas l'autorisation. Mon  père, de mauvaise humeur, ces temps-ci. Tu crois que je vais souvent chez Claude, tu te trompes, ce n'est pas l'envie qui me manque, ni les invitations... Je n'ai plus les pieds à Bruxelles depuis janvier. Mais passons cette double douloureuse, j'attendrai que l'on te donne un congé chez toi, pour retaper ta santé et te tenir compagnie.

Maintenant, je te donne de mes nouvelles, J'ai eu mal au yeux. Le medecin m'a fait un certificat médical. Je l'ai envoyé à l'Académie, pour reposer mes yeux. Je me suis reposée à Ostende, je t'ai envoyé une belle carte. Le temps maussade, ma maman malade, mes frères, cousins ont tourné dans l'appartement comme des lions en cage. Je ne me suis pas amusée sauf les instants lorsque que tu es venu me rendre visite.

Le temps s'est acharné, la mer montait sur la digue. Elle assommait les intrépides accoudés à la rampe. Elle a même aspergée des voitures dans des rues. Une évacuation de voiture fut nécessaire.

Nous sommes rentrés à Liège, dimanche soir, pour reprendre les activités le lundi matin. Beaucoup de travaux doivent être rentrés à l'académie, les heures supplémentaires seront nécessaires.

Je me suis en tête de prendre des cours de sténo-dactylo. Ce cours dure trois mois. Deux de mes amies, assistance sociale, ne trouvent rien avec leurs diplômes. Elles ont suivi ce cours et maintenant elles sont placés avantageusement.

Puisqu'il m'est impossible de te voir, veux-tu que je t'envoie des livres ou une autre demande qui te ferais plaisir et pour  que tu puisse passer le temps.

Je formule les voeux les plus sincères pour un très prompt rétablissement. Tout ton peuple et tes admiratrices sont dans la plus profonde affection.

Blague dans le coin, soignes toi bien, sois sage, obéis. Je  t'embrasse car je peux embrasser une personne dans ton cas sans quiproquo.

Cherico

Lili
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3 août 2008 7 03 /08 /août /2008 05:12

Ostende, le 8 avril 1950




Hello Jacques,


Dans cette pouponnière, je trouve des enfants dans tous les coins. L'heure des repas, une concentration se produit aux abords de la salle à manger. Au centre de ces escadrons en effervescence, ma mère, une tante, les soucis en oblique, leurs yeux foudroyants crient des brides de conversation que seuls les enfants n'entendent pas. Trois familles de 5 enfants en bas âge, trois autres familles de 3 ou 2 enfants. J'apprécie ces dîners, une atmosphère gaie et vivante entoure nos repas. Je ne voudrais pas manquer cela pour rien au monde.

Contrairement au reste du pays, un soleil magnifique et de la chaleur agrémentent notre séjour.

Ces deux soirs, j'ai visionné deux film de cow-boy au cinéma. C'était épatant, rien de tel pour s'amuser, il se peut que j'y aille tous les soirs.

Je te souffle peu de mots sur la mer. Elle immerge au fond de mon coeur. Je vis dans ses vents, je la regarde, je l'observe. Ses vagues s'enroulent, calme, carpette à franche d'écume. Agitée, elle grince et monte à l'assaut de la digue.

Ce matin, je regardais les pêcheurs sur l'estacade. Un promeneur  préoccupé, la force des vents pousse son couvre chef. Celui en profite pour s'échapper et se mouvoir librement. Suivi des yeux par une balustrade garnie de curieux et de plaisants, il finit sa course telle une coquille de noix sur cette mer. L'homme, le coeur plein d'inquiétude dut dire adieu à son chapeau.

Aujourd'hui, du vent et encore du vent, il peut faire tenir un papier contre un mur. Pour avancer tranquillement sur cette digue, il faut être deux. Toute seule, je me sens fragile. Je serai plus tranquille dans un coin abrité.

Chérie
Lili


J'espère que tu auras une permission pendant ces quelques jours.
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2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 04:47




Dimanche 2 avril 1950
Par une après midi





Hello Jacques,

J'en m'en vais conter les faits les plus drôles, les plus surprenants, les plus singuliers, les plus imprévus, les plus grands, les plus petits, les plus inouïs, les plus étourdissants, les plus communs. Enfin des moments, nous pourrons trouver exemples si nous voulons chercher. Ces instants, je ne saurais croire si ils ne m'étaient pas arrivés. Ces histoires feraient crier miséricorde à tout le monde. Ces choses, si ma grande mère les savaient, seraient bien étonnée et scandalisée. Elles se sont produites jeudi de cette semaine, rien que jeudi, pas mercredi, ni vendredi. Je ne puis résoudre à te les dire !

Je te donne à dix pour cent, donnes tu ta langue au chat. Il faut que je te le dise. Quelqu'un est venu me voir. Paulette dirait, c'est André, point du tout, ou bien Robert de Bruxelles ou Albert, encore moins, c'est Jacques. Allons, il est courageusement à l'armée, voyons. Tu ne trouveras point, je te le dis. C'est votre frère Henri, venu un jour après cinq heures avec l'excuse de me demander si ses livres me plaisaient. Il voulait aussi en reprendre un ou deux. Il m'a demandé si j'avais des nouvelles de toi, ce que tu me racontes. Et surtout quand tu rentres.

Les autres faits, de nature moins plaisants pour moi à cet instant. Frais, il est certain dans un mois au minimum, j'en plaisanterai. Je te rappelle l'existence de ce type abominable au cour. Celui dont je suis forcée de souffrir encore 6 mois, il est pris de jalousie chronique pour tout ce qui m'entoure. Il va jusqu'à me suivre, quand je rentre au cinéma ou au théâtre, accompagnée ou non.
Jeudi, ce fameux jeudi, pas vendredi, ni mercredi, imagine : il m'a soustrait mon portefeuille avec tous mes papiers et sept cents francs, argent de mon mois et de ma mère. Il croit m'empêcher de partir en vacances. Si j'ose le soupçonner ainsi. Après réflexions, il est resté seul avec ma mallette pendant quelques temps.

Jamais, je n'aurais cru à une telle perfidie. Un homme d'une telle culture, d'une intelligence brillante soit si dépourvu de délicatesse. Il s'est conduit comme un parfait crétin !!!

Voilà tous les beaux sujets pour discourir. Si tu souris en haussant les épaules, si tu te dis que tout cela n'a rien d'impossible, que je ne suis qu'au commencement d'un petit fait qui se moque de moi, que cela est bien fade à imaginer. Je dirai que tu as raison et je pense comme toi.

Autres faits divers. André est parti en Hollande avec Jean pour une semaine. Selon les bonnes habitudes familiales, André s'est décidé la veille au soir, de son départ. Au moins c'est gai, de l'imprévu s'invite à son voyage.

Paulette fait un stage de prof dans une école de la ville, je ne la comprends pas... Elle se met en rage parce qu'elle doit travailler... Elle a besoin d'oseilles et cela rentre ...

Joyeuses Pâques et à la prochaine

Chérie
Lili


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31 juillet 2008 4 31 /07 /juillet /2008 06:58



Liège, le 1er avril 1947

Saint Hugues

Ma grande chérie,


Que c'était beau hier. Comme je t'aime. Je me vois encore te tenant dans mes bras. Je t'aime Lisette. Je t'aime. Hier soir, Othello, j'ai rencontré des amis et j'aurais voulu être seul, seul, seul et penser à toi.

La représentation ne m'a pas déplu. Tu me l'a demandé hier, je vais te parler un peu des caractères.

Othello, l'homme, il contient encore tout la naïveté, la force, un terrible chef sauvage. Il ne pense pas au mal et devient fou en détectant un fait monstrueux, inimaginable pour lui. Profiter de ses faiblesses, de sa jalousie , cet homme devient encore plus jaloux. Poussé par son complexe d'infériorité qui le harcèle : il est noir. Cette jalousie monte en lui comme une maladie mortelle.

Chérie, je te rassure tout de suite, ce n'est pas comme pour nous deux.
Chérie, nous sommes tous les deux, jaloux par habitude, par caractère, ce n'est pas très beau mais le vivre me paraît moins dangereux.

Quand à Lago, le vrai personnage de la pièce, un caractère. Othello a voulu lui prendre sa femme comme un accroc dans un bas de soie,  comme une failure dans une carrosserie, une coupure dans une courroie. Aux petites causes, grand effets, Lago, pur idéaliste, atteint dans son honneur, dans sa fierté. Un homme qui n'attaque pas son voisin mais rend le mal cent contre un, dés que l'offense surgit. Sans scrupule mauvais néanmoins il m'est sympathique par la finesse de son intrigue.

Ce matin, je me suis faufilé dans son bureau et j'ai fouillé dans les affaires de papa. La lecture des prospectus des usines françaises avec de belles photographies, les délais de livraison sont énormes. Je suis installé près du radiateur à gaz, musique : Chopin, épatant. J'aime Chopin, cette musique me prend le coeur. Comme toi ma chérie, exactement.

Cette après midi, je vais au garage, puis chez un ami, ensuite en ville chez le mitrailleur - le photographe puis acheter du papier pour t'écrire, un papier rien que pour toi, ma chérie.
Je voudrais bien du papier avec entête mais c'est un peu compromettant !!
Je me réjouis d'avoir un stylographe convenable pour t'écrire une belle prose.
Je me demande si j'ai bien refermé la porte de la villa, hier. Il faudra bien y retourner. Cela me rappelle des belles heures, Chérie.

Desdémone, petit objet charmant victime de la folie des hommes, son père égoïste
ou orgueilleux, veut garder fille ou ne pas la mésallier à un "nègre". Cassio, la femme de Lago et l'amoureux délaissé, des moyens pour mener l'histoire ou l'intrique à bon port. Le Buffon est assurément inutile.

Et voilà je t'ai décrit ce que j'ai pu. La pièce est belle, bien faite. Elle suit de près le théâtre Français sans atteindre sa perfection. Certains personnages nous paraissent un peu grotesques. Notamment quand Othello se méprend de femme lorsque lui parle de Cassio. A cet instant, il croit qu'on lui parle de Desdémone. Ce subterfuge nous fait penser à Molière, un peu de discordance se mêle à tout cela.

Voilà, tout ce que j'ai retenu si ce n'est pas mieux. Dis-toi que c'est parce que je rêvais de toi. Je t'aime plus que jamais ma chérie.
Je t'aime et tu es si jolie, tes cheveux défaits et tout toi près de moi, j'en rêverai longtemps.
Chérie, tu t'es donné entièrement, je t'en remercie, à un moment, il m'est venu l'idée de faire plus, mais je déteste exploiter la situation, je t'aime ainsi quand tu mets ta confiance en moi, alors tu es naturelle, tu vis, tes yeux me regardent enfin, je t'aime. Comment veux-tu que je regarde une autre, tu hantes mon esprit.
Ton corps est merveilleux, je ne le savais pas, tout est merveilleux en toi. Dommage que ces beaux moments passés, tu redeviens brusque, méchante, blessante. Est-ce par pudeur, une réaction de nervosité ? Je ne le sais pas mais je te souffrirai comme cela. A moins que tu ne veuilles changer ? Tu me rendrais encore plus heureux.

... A suivre



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Généreuse...tôt Et Liégeoise

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